Analogique, numérique, home studio...
Il est très difficile pour le non-professionnel de trancher le vrai du faux tant la quantité d'affirmations erronées est élevée en ce qui concerne les techniques audio.
Nous bénéficions aujourd'hui d'un énorme éventail de possibilités pour arriver à un même objectif. Alors que les constructeurs se moquent allègrement du grand public à grands coups de "lampes chaudes" et de "192kHz", le musicien qui désire enregistrer par ses propres moyens a vite fait de dévier de son objectif principal qui est : faire de la bonne musique.
En effet, déjouer les pièges commerciaux afin de disposer du matériel nécessaire pour enregistrer une bonne maquette peut rapidement devenir un travail à plein temps, prenant le pas sur la composition des morceaux.
Le musicien a bien plus intérêt à se payer un bon instrument, et utiliser un petit ordi pour les tâches basiques de MAO, puis se payer les services d'un pro pour l'enregistrement définitif. Par expérience, cette solution est bien plus économique (en temps comme en argent) que de se lancer dans le home studio.
Je pense qu'il n'est intéressant de se lancer dans le home studio qu'à partir du moment où l'on est vraiment passionné par les techniques du son, plus encore que par la musique pure et dure.
Un musicien dont le but unique est de progresser dans sa musique n'a besoin que d'un bon instrument, et si possible du trio ordi/carte son/micro. A savoir que l'important est de mettre le principal de son budget dans son instrument (ce même instrument qui sera utilisé lors des enregistrements définitifs), alors que le trio ordi/carte son/micro n'a pas besoin d'être de très bonne qualité, puisque n'êtant que des outils de composition.
Je suis souvent en contact avec des musiciens qui ont dépensé de grosses sommes dans leur home studio, et qui sont très déçus de ne pas arriver aux résultats prévus. Le fait que ce matériel n'ait pas été choisi par un professionnel et ne soit pas utilisé par un professionnel mène à un très mauvais rapport résultat-prix.
Je ne dis pas, loin de là, qu'on ne peut pas faire de bonnes choses dans un home studio. Ce n'est pas mon opinion et ce n'est en aucun cas le but de cet article. Il se trouve en fait que j'étais parti pour écrire un article à la demande d'un lecteur traitant des différents intérêts du numérique et de l'analogique, pour les non professionnels.
Je me suis alors aperçu que la somme de connaissances nécessaires au fait d'argumenter correctement ce sujet était beaucoup trop conséquente pour être livrée dans un article. Il est difficile de condenser des années d'études et d'expérience en quelques lignes.
Mon avis, en tant qu'ingénieur du son de métier, est que le seul moyen de savoir quel matériel utiliser et dans quelle situation est d'être dans le métier. Ma réponse est finalement beaucoup plus proche de celle que pourrait donner un maçon à un quelqu'un qui lui demanderait quelles briques utiliser pour construire sa maison. La réponse dépend de tellement de paramêtres qu'il vaut mieux faire confiance à un professionnel pour s'en occuper, plutôt que d'essayer d'apprendre un métier difficile qui prendra de longues années à maîtriser.
Si malgré mes conseils bienveillants vous tenez tout de même à vous payer une belle console, je vous souhaite bien du courage pour vous forger une opinion objective dans la désinformation que l'on peut lire un peu partout. Dans ce cas, n'ayez confiance qu'en vos oreilles, allez écouter le matériel vous-même et vous vous rendrez compte qu'il sonne rarement comme on vous l'avait décrit.
Déterminer un budget pour votre enregistrement
Une des premières questions que l'on se pose lorsqu'on est enfin prêt à entrer en studio, est celle du coût.
De quoi dépend ce coût? Du studio que l'on choisit, mais surtout du temps que l'on va y passer.
Pour le studio, tous les prix sont dans la nature, du simple au centuple, la qualité du matériel disponible allant, généralement, avec le prix.
Le planning de l'enregistrement est plus difficile à déterminer :
Si vous préférez jouer "live" (tous ensembles), l'enregistrement se fera assez rapidement. J'ai déjà vu des groupes très pro enchaîner 6 titres dans la journée, mais tabler sur 3 titres est plus sage. Il faut que le studio soit équipé pour enregistrer plusieurs instruments dont une batterie, ce qui n'est pas toujours le cas des studios très bon marché, car cela nécessite un minimum d'installation. L'enregistrement en résultant est souvent assez énergique.
Si vous préférez jouer en "overdubs" (enregistrer les prises chacun votre tour), cela peut être beaucoup plus long. Compter environ une journée par titre. Le résultat est souvent plus propre.
Il est aussi possible, pour les plus exigeants, de partir sur une base "live", puis de continuer sur des "overdubs", pour grossir le son, refaire des parties, changer de sonorités au cours de la chanson... C'est souvent comme ça que sont enregistrées les plus grosses productions, et le résultat se fait entendre. Là, c'est le budget dont vous disposez qui déterminera le nombre de journées.
Une fois que tout est enregistré, vous vous retrouvez avec un certain nombre de pistes contenant chacune un instrument, et il s'agit maintenant de mélanger tout ça correctement. Vous venez de créer une palette de couleurs, c'est au tour de l'ingé son de prendre son pinceau et de les placer harmonieusement sur leur toile, c'est l'étape du mixage.
Combien de temps un mixage prend-il?
Là, ça dépend principalement de ce que vous désirez. Si vous voulez un son brut de brut, très proche de ce que vous entendez lorsque vous jouez, alors cela peut être très rapide. Par exemple, pour de la musique classique ou du jazz, on agit très peu sur le son au moment du mixage, et on peut facilement dans ce cas mixer 6 titres dans une journée. Mais pour un style demandant beaucoup de travail sonore, d'automations, comme la plupart des disques depuis les années 80, il faut bien compter une journée par titre.
Attention, il ne faut pas confondre "mixage" et "recalage", ou bien "nettoyage": si un des instruments n'est pas en place et que vous demandez à l'ingé son de recaler, disons, toute la piste de basse du morceau, il s'agit d'une opération très longue, qui sera donc facturée en supplément. De même, l'opération qui consiste à nettoyer une piste (en retirer les sons indésirables), est longue, et n'est donc pas gratuite.
Et si vous voulez que le volume sonore de votre disque ne soit pas deux fois moins élevé que sur ceux du commerce, n'oubliez pas de prévoir un mastering. Compter de une journée pour un album jusqu'à une journée par titre suivant votre budget.
Quelques exemples de plannings cohérents :
Petit budget :
2 jour d'enregistrement live
1 jour de nettoyage/recalage
2 jours de mixage
Une demi journée de mastering
Avec ce type de planning, ne comptez pas faire plus de 4 morceaux propres. Vous pouvez toujours tenter de faire 10 morceaux "garage", mais s'il s'agit juste d'une démo pour présenter à des salles de concert, 4 morceaux suffiront largement, la qualité important bien plus que la quantité.
Budget moyen :
2 jours d'enregistrement live
4 jours d'overdubs
2 jours de nettoyage/recalage
5 jours de mixage
1 jours de mastering
Avec ce type de planning, si tout le monde est efficace, vous pouvez obtenir un petit album bien autoproduit, prêt à commercialiser dans un réseau indépendant, voir même en grande distribution pour les plus doués.
Gros budget :
4 jours d'enregistrement live
8 jours d'overdubs
4 jours de nettoyage/recalage
10 jours de mixage
2 jours de mastering
Là, on approche de la très grosse production. Votre ingé son aura de vous apporter des sonorités originales et personnalisées, indispensables pour sortir du lot. A l'arrivée, vous aurez probablement produit un album de qualité, correspondant exactement à ce que vous aviez en tête, et par la même occasion réalisé votre rêve.
Vous l'aurez donc compris, savoir gérer son temps est indispensable pour tirer le meilleur d'une session d'enregistrement, et vous permettra de ne pas exploser votre budget.
merci à Nico du studio fast forward (paris) pour cette analyse que je partage à 100 % !